Rythmes du monde

Samedi soir à Rabat, musique en bonne compagnie au Festival Mawazine.

D’abord Goran Bregovic sur la rive gauche du Bou Regreg réaménagée. Un serbo-croate compositeur de musiques de films, en particulier pour Emir Kusturica. Avec un orchestre pléthorique qui fait avec son chef, comme il le précise lui-même, mariages et enterrements…


Le public vérifiera de lui-même. Le chef alterne styles et rythmes.
Une longue, longue introduction plus proche du classique, inadapté avec le site et en déphasage avec les attentes d’un public venu oublier le marasme et la vie chère, ou tout simplement vibrer avec une musique venue d’ailleurs…
Puis changement de rythme : le morceau Gas Gas, montre l’étendue du talent du musicien et sort le public de sa torpeur. Momentanément. Car le rythme change de nouveau : chœurs, monotonie, tristesse…
Déconcertant Goran…

Plus loin, dans un stade d’un quartier populaire, se produisait Nancy Ajram. En citant son nom, une anecdote véridique me vient à l’esprit. L’histoire de cet imam, qui subit la panne de sono en plein prêche de fête d’El Aid. Qui gonfle ses poumons, gesticule et crie fort pour bien exprimer sa colère et son amertume. Mettant en cause les services municipaux, il vitupère : « lorsqu’il s’agit de prêcher la bonne parole aux croyants, les micros tombent en panne, mais pour un concert de Nancy Ajram, cela ne se produirait jamais ! »

C’était vrai, ce samedi soir, la sono était parfaite. Et l’artiste libanaise, vêtue de son caftan bien de chez nous, était à la hauteur. Seul couac, le stade était rempli mais peut-être pas autant que pouvait le laisser penser la réputation de la chanteuse…

Par la diversité et la richesse du programme proposé cette année, les organisateurs du festival montrent qu’il est possible de rapprocher les peuples et les cultures par les expressions culturelles et d’offrir au public marocain l’occasion de l’ouverture à l’autre… Dans un climat de sécurité et de tolérance.
Venus de pays ravagés par les luttes intestines, Goran et Nancy ont exprimé tous leurs talents, démontrant que la créativité ne se tarit pas dans les conflits. Bien au contraire. En se souvenant du Raï pendant la guerre civile algérienne, du Jazz et l’esclavagisme, ou encore des Ghiwane pendant nos années de plomb…