Détour par Pennac et son chagrin d’école

Plongé avec d’autres amis blogueurs dans notre projet de mobilisation autour du thème « Education-Développement », j’ai jugé utile de reproduire ici, avec l’aide précieuse de YB, ce passage du dernier livre de Daniel Pennac, Chagrin d’école, publié chez Gallimard, prix Renaudot 2007.

Bonne lecture, avec le souhait que ces quelques extraits donnent envie de lire tout le livre. Il vaut le détour, ne serait-ce que pour se détendre un peu…

Oui, à écouter le bourdonnement de notre ruche pédagogique, dès que nous nous décourageons, notre passion nous porte d’abord à chercher des coupables. L’Education nationale parait d’ailleurs structurée pour que chacun y puisse commodément désigner le sien :
-La maternelle ne leur a donc pas appris à se tenir? demande le professeur des écoles devant des bambins agités comme des boules de flipper.
-Qu’ont-ils fichu en primaire? peste le professeur de collège en accueillant des sixièmes qu’il estime illettrés.
-Quelqu’un peut me dire ce qu’ils ont appris jusqu’en troisième? s’exclame le professeur de lycée devant la propension de ses secondes à s’exprimer sans vocabulaire.
-Ils viennent vraiment du lycée? s’interroge le prof de fac en épluchant son premier paquet de copies.
-Expliquez-moi ce qu’on fout à l’université? tonitrue l’industriel face à ses jeune recrues.
-L’université forme exactement ce que souhaite votre système, répond la recrue pas si bête : des esclaves incultes et des clients aveugles! Les grandes écoles formatent vos contremaîtres – pardon vos « cadres » -, et vos actionnaires font tourner la planche à dividendes.
-Démission de la famille, déplore le ministère de la l’Education nationale.
-L’école n’est plus ce qu’elle était, regrette la famille.

A quoi s’ajoutent les procès internes à toute institution qui se respecte. L’éternel querelle des anciens et des modernes , par exemple :
-Honte (pédagogues bêtifiants) ! hurlent les républicains pourfendeur de démagogie.
-A bas les républicains élitiste ! riposte les pédagogues au noms de l’évolution démocratique.
-Les syndicats grippent les machine ! accusent les fonctionnaires du ministère.
-Nous restons vigilent ! rétorquent les syndicats.
-Un tel pourcentage d’illettré en sixième, ça ne se voyait pas de mon temps ! déplore la vieille garde.
-Tout le portrait de ta mère, ce gosse ! fulmine le père courroucé ;
-Si tu avais été un plus sévère avec lui, il n’en serait pas là ! répond la mère outrée.
-Comment travailler dans une telle atmosphère familiale ? se lamente l’adolescent déprimé, aux oreilles du professeur compréhensif.