Causeries du Ramadan: à quand plus d’audace?

La première causerie religieuse du Ramadan de cette année a eu lieu hier, sans l’appellation hassanienne, soit dit en passant, sur le thème de l’attachement des Marocains au rite malékite. (La deuxième aura pour thème : l’amour de la patrie qui relève de la foi.)

En plus des clarifications apportées sur les différents rites, le conférencier, ministre des Habous, a profité de l’occasion pour justifier et encenser la politique officielle religieuse menée au Maroc.

Deux passages de sa conférence sont significatifs à cet égard :

« Les oulémas et exégèses malékites ont eu à cœur de défendre la Sounna et de combattre la discorde et la sédition, en valorisant le rôle protecteur de la religion assumé par l’institution de Imarat Al Mouminine. » … « La « mackiakhate al Ouléma », instituée par l’imam malik, trouve aujourd’hui son pendant dans l’institution des conseils supérieur et provinciaux des oulémas, qui assument sous la haute autorité de Amir Al Mouminine, les missions qui leur incombent dans les différents domaines de protection de la religion. »

Cela ne me dérange pas, car le ministre est dans son rôle. Mais peut-être qu’en plus de ces thèmes explicatifs d’une politique, le public est en droit de s’attendre à des causeries plus audacieuses, moins propagandistes, plus contemporaines, posant les véritables questions de l’heure.

Par exemple, pourquoi ne pas envisager une causerie sur le thème de la place de la religion dans la modernisation du pays. Lorsque l’homme le mieux informé du Maroc, M. Mansouri, directeur de la DGED, affirme aux journalistes du New York Times que le Maroc est menacé par «  deux extrémismes : le wahhabisme conservateur diffusé par l’Arabie Saoudite et le shiisme diffusé par l’Iran », il aurait été judicieux de programmer une causerie qui explique les tenants et aboutissants de ces menaces. Une causerie qui discute la véracité de l’analyse qui impute à ces menaces le ralentissement constaté dans la conduite des réformes au Maroc. Autrement dit, peut-on aujourd’hui nier toute relation entre le sous-développement humain et politique que connaît le monde arabe et sa soumission à une vague intégriste à façade moralisatrice et aux conséquences inhibitrices indéniables ? Autrement dit encore comment l’empreinte du radicalisme islamique a pu devenir si forte qu’elle empêche les sociétés et individus arabes de progresser et de s’émanciper ? Et surtout comment réduire cette empreinte qui se nourrit des pesanteurs nées de l’histoire et de la tradition musulmanes ?

En attendant que ce genre de thème soit programmé, ne faut-il pas déjà commencer par supprimer de l’introduction, ouvrant les causeries depuis des décennies, cette allusion, hors contexte, qui  semble condamner l’innovation et jeter l’anathème sur l’esprit créatif.