A l’eau, personne ne pense?

Un nouveau rapport de la Banque mondiale. Et encore un ! Cette fois sous le titre : « Une meilleure gouvernance pour une meilleure gestion de l’eau au Moyen-Orient et en Afrique du Nord ».

Dans les conclusions du résumé de ce rapport, on peut lire :

L’évolution vers une situation dans laquelle la gestion de l’eau devient une activité financièrement, socialement et écologiquement viable passe par trois facteurs généralement omis des processus de planification des ressources en eau :
• Reconnaître que les décisions relatives aux réformes sont par essence d’ordre politique plutôt que de s’évertuer à séparer le processus politique du processus technique. Cela implique qu’il faut comprendre les facteurs qui déterminent la dynamique politique des réformes, analyser les points de rupture de ces déterminants et ordonnancer les activités de réforme en conséquence. Il faut des champions de la réforme aussi bien pour la dimension politique que pour l’aspect technique.
• Comprendre le caractère central des politiques extérieures au secteur de l’eau sur la ressource et impliquer les décideurs intervenant dans des secteurs autres que celui de l’eau dans la réforme du secteur de l’eau.
• Rendre les organismes de l’État et les prestataires de services comptables devant le public. Ces organismes et ces prestataires de services doivent être conscients des conséquences qu’implique la bonne performance aussi bien que la mauvaise performance. Pour y parvenir, la transparence s’impose afin que le public sache pourquoi les décisions sont prises, quelles sont les résultats qu’il peut attendre et qu’est-ce qui a réellement été accompli. Pour être tenues comptables de leurs actions, les parties prenantes doivent bénéficier de l’inclusion qui permet à un grand nombre d’entre elles de participer à la prise de décision.

Pour une relecture de ce rapport, il n’est pas inutile de prendre connaissance de cette dépêche de l’AFP datée du Vendredi 11 avril 2008 et qui a été reproduite dans la plupart des journaux et magazines marocains et étrangers.

Cette dépêche annonce que « la Banque Mondiale (BM) a demandé jeudi soir à Rabat aux pays arabes de réduire rapidement leur consommation d’eau afin d’empêcher une pénurie catastrophique ». La même dépêche reprend les propos de M. Mantovani, spécialiste en eau à la Banque Mondiale, qui précise qu’ »il ne s’agit pas de mesures techniques qui doivent être décidées par des ingénieurs mais de réformes politiques profondes que les gouvernements de la région MENA (Moyen-Orient et Afrique du Nord) tardent à prendre car elles ne sont pas très populaires ».

Autres extraits de la même dépêche.
« Les problèmes et les solutions sont connus mais l’avancement des réformes est lent. Il faut impérativement réduire la consommation totale à hauteur des ressources disponibles tout en offrant des services adéquats pour les besoins de la population », a souligné Julia Bucknal, principale spécialiste en gestion des ressources naturelles à la Banque Mondiale.

La BM suggère une « meilleure gouvernance » de l’eau en prenant en compte le fait que les usages domestiques, commerciaux et industriels de l’eau ne représentent que 10 à 15% des besoins en eau d’un pays et que le reste va à l’agriculture.

C’est donc sur ce dernier secteur qu’il faut intervenir en réduisant l’irrigation notamment en instaurant des « allocations d’eau », « ce qui implique de décider dans la transparence qui recevra de l’eau et dans quelle quantité », assure la Banque Mondiale.

Si la plupart des pays de cette région tardent à mettre en oeuvre cette régulation de la demande d’eau, la Tunisie, la Jordanie, les Territoires Palestiniens et Israël « ont compris le caractère stratégique de l’eau et ont fait les réformes nécessaires », a souligné M. Montovani.

« Dans ce domaine, la Tunisie a quinze ans d’avance sur le Maroc et encore plus sur l’Algérie. Elle a réussi à assurer ses besoins d’eau de manière durable et au Maghreb, c’est le pays où l’eau est la moins chère », a-t-il dit.

Les affirmations contenues dans cette dépêche ne constituent pas une nouveauté. Sur ce même blog, plusieurs billets ont été consacrés à ce sujet.

Economiser, améliorer la gestion, explorer de nouvelles pistes sont des réponses que ne peuvent continuer d’ignorer que ceux qui ignorent l’intérêt général du pays. Continuer à consacrer des budgets faramineux à la construction de grands ouvrages est une option sans issue, mais malheureusement encore promue chez nous par un quarteron d’ingénieurs retraités, fermés à toute idée d’innovation ou de réforme.

Le nouveau gouvernement espagnol formé vendredi 11 avril par Zapatero apporte une nouveauté intéressante en fusionnant l’eau et l’environnement avec l’agriculture.

Dans un monde de plus en plus marqué par la hausse des prix des denrées alimentaires, dans une région marquée par la baisse des précipitations, le Maroc se doit d’avoir une stratégie courageuse à long terme qui concilie développement durable et sécurité alimentaire.